Il est une vieille dame logée près de Beauraing. Depuis plusieurs décennies, ses roues dansent avec la Houille. Et entre ces deux-là, l’eau coule et se déploie. Pour cette édition d’Itinéraires BIO, nous vous emmenons à la découverte du Moulin de Vencimont. Non loin de Beauraing, dans le village portant le même nom, le Moulin de Vencimont, sa boulangerie et ses installations vous offrent une beauté vivifiante. En ce jour de fin janvier, tout y est : le bruit de l’eau qui se déchaîne dans le moulin, la verdure généreuse environnante, les vieilles pierres qui semblent avoir traversé le temps et un paysage tout en cascade aux alentours. Une beauté qui nous est aujourd’hui toute offerte, mais une beauté aussi qui se gagne au prix de larges efforts.
Construit en 1729 le long du cours d’eau nommé « la Houille », le moulin à eau de Vencimont a fait vibrer ses meules jusqu’en 1970. Suite à la guerre et à l’exode massif des habitants vers les villes, les clients furent de moins en moins nombreux dans les villages avoisinant Vencimont, entrainant ainsi l’arrêt du moulin. Malgré une occupation des lieux par différents propriétaires, le moulin est tombé en ruine. Ce n’est qu’en 2012 que le lieu a connu une nouvelle jeunesse grâce au rachat et à la réhabilitation de la vieille dame par Louis-Marie Piron, patron de l’entreprise Thomas et Piron.
Une vieille dame au bras de deux jeunes passionnés
La vieille dame file à présent des jours joyeux et actifs, soutenue et épaulée par deux passionnés qui en sont les locataires : Ambroise De Greift et Juliette Bartholomé.
Leur implication va même beaucoup plus loin. En tant qu’entrepreneurs innovants, ils ont apporté de nombreux nouveaux projets sur le site. Depuis 5 ans, ce jeune couple dans la trentaine a décidé de laisser derrière lui une carrière dans la finance et dans l’intérim pour dédier ses forces à la revalorisation d’un métier ancestral, qui leur colle à la peau. Les grands-parents d’Ambroise sont issus de la région, si bien qu’à travers ce projet, il y a aussi un retour aux origines. Et comme il le dit avec ses mots, ici, ce qui le fait vibrer c’est d’avoir ancré ses racines dans « une région véritable ».
Un bel exemple de diversification
Parents de 3 jeunes garçons, les semaines d’Ambroise et Juliette, sont des constants défis pour arriver à mener avec brio les différentes activités développées sur le site du Moulin : production de leur farine naturelle et travail à façon, boulangerie artisanale, location de salles de séminaires et gîtes. Pour mener ce défi à bien, ils enchainent les heures de travail. Mais ils ne sont pas seuls. Au total, ils sont quatre à travailler sur le site. Chaque membre de l’équipe est en mesure de relever plusieurs casquettes, de la meunerie à la boulangerie. La farine naturelle et le pain du Moulin de Vencimont ne sont pas certifiés bio. Par contre, l’outil de transformation à façon dispose de la certification.
Deux moulins & trois farines
Le moulin à eau propose une mécanique assez rare, puisqu’il est composé de trois roues en cascade, alimentées par trois vannes. Le faible dénivelé de la Houille est compensé par cette multiplication de roues qui permet d’additionner 3 dénivelés de 2 m. Le moulin compte deux paires de meules en activité. La première paire est active depuis l’arrivée d’Ambroise.
La seconde fraichement rénovée, a quitté son rôle de pièce d’exposition pour moudre les céréales des producteurs extérieurs (travail à façon). Le moulin fonctionne uniquement avec l’électricité hydraulique. Même si une installation électrique existe pour compenser l’absence d’eau, Ambroise n’active jamais cette solution. Selon ses mots « le moulin à eau nous donne le rythme et nous nous glissons dans ce rythme. Nous y perdrions à faire l’inverse ». En hiver, l’outil tourne environ 1 à 2 journées/ semaine. Et en été, Ambroise et son équipe travaille au coup d’eau. Donc quand l’orage gronde, l’équipe est au front pour produire.
Seule la farine intégrale est travaillée avec la meule de pierre. Chaque meule représente plus d’une tonne de silex, ce qui donne une qualité unique dans la mouture. Vu la rareté et la qualité de cette pierre, Ambroise prend grand soin de son outil. Et, par exemple, le nettoyage du moulin est quotidien, allant jusqu’au retrait de la vis sans fin après chaque utilisation. Nous constatons aussi que le choix de la farine intégrale unique a permis d’éviter l’installation d’une bluterie dans le vieux bâtiment, ce qui libère de l’espace. Cela permet aussi de maintenir plus facilement une propreté impeccable.
La minoterie vieille de 100 ans fait son entrée en 2017
Pour la farine blanche de froment et la farine blanche d’épeautre, une autre grande dame a rejoint le site il y a 3 ans. Un nouvel hangar en bardage bois, autonome en énergie grâce à la pause de panneaux photovoltaïques, a accueilli une minoterie vieille de 100 ans. Le moulin à cylindre permet la production de farine blanche excessivement fine et qualitative, parfaite pour la production de pain et de pâtisseries. Pour arriver à installer cet outil de qualité, Ambroise a joué au détective. C’est au prix d’une passion sans limite qu’il a rassemblé de nombreuses pièces venant de différents pays pour arriver à refaire fonctionner cette machine aux qualités exceptionnelles.
« Comme le modèle du micromoulin, tout s’est construit par essais et erreurs » nous explique-t-il. Pour faire vibrer la minoterie, Ambroise compte sur deux inséparables : la clé de 13 et l’aspirateur. Et là encore le détective entre en jeu. Car il suffit d’un petit réglage mal ajusté pour mettre à l’arrêt la minoterie. Dans ces cas, il arrive qu’Ambroise passe 4 h à chercher le maillon responsable de la pause imposée.
Le choix des céréales : rien n’est laissé au hasard
Pour la production de la céréale, Ambroise travaille avec des partenaires de confiance avec qui il a tissé des relations sur le long terme. Le prix de la céréale est fixé pour plusieurs années. Pour le choix des variétés, Ambroise participe activement aux décisions, allant même jusqu’à définir avec l’agriculteur la terre qui sera choisie pour la variété cultivée. L’ensoleillement, la qualité du sol, la pluviométrie, les cultures voisines sont autant d’éléments qui vont influencer la réussite d’une culture de céréales anciennes. Dès lors, les agriculteurs et Ambroise sont particulièrement attentifs à tous ces détails.
Les défis de demain et l’atout pour les producteurs bio wallons
Le travail à façon est le nouveau défi d’importance porté par Ambroise. Le Moulin de Vencimont est l’un des 46 bénéficiaires du subside de relocalisation de l’alimentation Wallonne. Le budget sera dédié, d’une part, à la mise en oeuvre d’outils de transmission des apprentissages de ces 5 années de travail, d’autre part au développement du pôle « travail à façon » pour d’autres passionnés de la farine.
Si vous souhaitez moudre vos céréales au Moulin de Vencimont, notez que le service sera accessible d’octobre à avril, pour des volumes à partir d’une tonne et demi. Les propriétaires seront très attentifs à la qualité du tri préalable et à la propreté de la céréale avant la transformation.